Dans les coulisses du Grenelle de l’environnement…

Oct 22, 2007

FRAB.jpg“Le Grenelle de la déception” selon la Fédération Régionnale de l’Agriculture Biologique de Champagne-Ardenne (FRAB). Voici ci-après le communiqué de presse rédigé par la FRAB le 16 Octobre dernier. A la lecture, c’est effectivement consternant! 
Sachez que si vous souhaitez que l’environnement soit réellement pris en compte dans ce grenelle, il existe un moyen:
http://www.legrenelle-environnement.tv/petition.
Votre avenir est entre vos mains 🙂

Plus sérieusement, voici le communiqué de presse de la FRAB Champagne-Ardennes qui renseigne sur les discussions en coulisse…
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Grenelle de l’Environnement régional :

Après l’enthousiasme, la déception.

 

La Fédération Régionale des AgroBiologistes de Champagne-Ardenne participait hier au Grenelle de l’Environnement organisé à Châlons en Champagne, et plus spécifiquement à l’atelier de travail relatif aux modes de production et de consommation durables.

 

Premier constat : une place privilégiée a été accordée à la profession agricole conventionnelle

La représentation collégiale qui a fait l’intérêt des groupes de travail nationaux était loin d’être atteinte en région ; les organisations professionnelles agricoles classiques étaient massivement représentées à travers des membres de coopératives, de chambres d’agriculture, du syndicat majoritaire, et par des organismes ou sociétés qui gravitent autour tels l’UIPP, Arvalis-Institut du Végétal, les firmes semencières. Peu de place a été laissée à l’agriculture biologique, pourtant garante de changements imposants en matière de respect de l’environnement. Un seul représentant de la filière biologique était invité. Fort heureusement, quelques associations environnementales, de consommateurs, quelques lycées et quelques collectivités comme les PNR, les Conseils généraux et le Conseil régional ont pu participer à l’atelier.

 

Deuxième constat : le choix du rapporteur est largement contestable

Prévu pour assurer un rôle de retranscription synthétique des opinions exprimées dans l’atelier, le rapporteur Gérard Lapie, ancien président de la chambre régionale d’agriculture, n’a fait preuve d’aucune neutralité. Il était indispensable qu’une personne indépendante des enjeux discutés dans cet atelier soit nommée comme rapporteur. Nous mettons donc en cause ce choix de la préfecture.

 

Troisième constat : la HVE est une « usine à gaz »

La Haute Valeur Environnementale (HVE) a été largement critiquée par les participants. Avec pour objectif d’offrir des garanties en matière d’environnement au consommateur, sur les produits agricoles, ce concept troublera encore plus les consommateurs, déjà perdus dans la multitude des signes de qualité, officiels ou non. Pire, la HVE ne signifie rien. Elle prévoit différents niveaux de respect de l’environnement, mais bizarrement c’est l’agriculture raisonnée qui a été largement évoquée, ses acteurs déplorant le nombre très faible de fermes qualifiées dans la région (101, contre 145 en agriculture biologique) et l’absence de valorisation vis-à-vis du consommateur. C’est normal, le consommateur demande mieux.

La FRAB a donc formulé ses propositions sur ce point : abandonner l’idée de HVE, s’appuyer sur les démarches professionnelles existantes en matière de certification et hiérarchiser les niveaux de pratiques en fonction de leur intérêt environnemental en positionnant l’agriculture biologique au plus haut de l’échelle, considérant ses impacts positifs sur l’environnement et l’espace rural. Rappelons que les bénéfices de ce mode de production sur la qualité de l’eau, la préservation des sols, la biodiversité et la durabilité des exploitations agricoles, sont explicitement reconnus dans les textes européens (règlement CE 2092/91 et 1804/99).

Cette proposition n’a pas été retenue dans le rapport.

 

Quatrième constat : Fixer des objectifs ambitieux et s’y tenir !

Atteindre 6% des surfaces agricoles en bio en 2010et 20% en 2020. Telle était l’une des propositions discutées dans l’atelier. Ce chiffre est-il trop ambitieux ? Oui pour les organisations conventionnelles qui demandent qu’on se fixe l’objectif d’atteindre l’autosuffisance, c’est-à-dire produire à hauteur de la demande. Pour la FRAB, ce chiffre est à nuancer : 6% en 2010 puis 20% en 2020, c’est effectivement trop ambitieux si les moyens adéquats ne sont pas déployés. Avec 0.5% de bio en Champagne-Ardenne, le pas à franchir est grand. Bien plus grand que le doublement des surfaces bio régionales d’ici 2013, envisagé par la profession bio. Mais ce doublement cache une autre réalité : aucune organisation professionnelle agricole de la région n’a jusqu’à aujourd’hui daigné accorder un intérêt à l’agriculture biologique à hauteur des enjeux. 20% en 2020, la FRAB est évidemment favorable à cet objectif, à la condition de ne pas être seule à devoir y répondre. Elle demande donc explicitement que l’accompagnement technique, l’appui organisationnel, la formation en agriculture biologique deviennent des composantes obligatoires du développement agricole. L’Etat et les pouvoirs publics doivent assumer leurs objectifs par la mise à disposition de moyens financiers massifs. Les organisations agricoles doivent quant à elles se retrousser les manches et rattraper leur retard.

La demande d’un accompagnement sur le terrain et de conseils massifs en agriculture biologique n’a pas été reprise dans le rapport de l’atelier.

 

Cinquième constat : Parler de l’agriculture biologique, oui mais en connaissance de cause !

L’agriculture biologique n’est pas le fait d’agriculteurs hippies, vivant sans électricité, pieds nus et passant leur temps à philosopher sur la vie. L’image est caricaturale, certes. Mais les idées reçues des représentants agricoles le sont tout autant. La FRAB appelle les acteurs agricoles à cesser de diffuser des messages alarmistes et faux sur l’agriculture biologique, sur les freins terribles qui existeraient pour se convertir à la bio, sur le poids de la réglementation et de la charge administrative, etc. Les agriculteurs biologiques sont disposés et l’ont toujours été à expliquer ce qu’est l’agriculture biologique, à faire visiter leurs fermes, à présenter leurs pratiques, à montrer en quoi il s’agit d’une agriculture à la pointe de la modernité, sans cesse en quête d’innovations agronomiques, et qui se remet en cause. Certaines organisations ont affiché leur intérêt d’apprendre de l’agriculture biologique. La FRAB se tient à leur disposition.

 

Sixième constat : chassez les OGM, ils reviennent au galop !

Olivier De Lagarde, Directeur Régional de l’Agriculture et de la Forêt l’avait précisé d’entrée de jeu en tant qu’animateur de l’atelier : celui-ci ne traitera pas des OGM, car le sujet sera débattu au niveau national par les parlementaires. Malgré cela, plusieurs organisations agricoles ont insisté sur la nécessité de réfléchir aux OGM comme outil de réduction de l’utilisation de pesticides et des pollutions diffuses. Les semenciers ont même rappelé l’après-midi qu’ils étaient tout disposés à poursuivre leurs recherches et à continuer à fournir des semences GM et non GM, la coexistence étant garantie comme l’attestent selon eux de nombreux exemples à travers le monde. Même si la FRAB ne s’est pas prononcé sur le sujet lors de la journée d’hier, sa position est claire : Non, la coexistence n’est pas possible. Il est illusoire de croire qu’on peut préserver les cultures non GM et l’environnement à partir du moment où les OGM sont autorisés et cultivés. Et justement, les nombreux exemples dans le monde viennent conforter cette réalité.

 

Septième constat : les produits bio doivent être accessibles à tous.

Le coût des produits alimentaires a été discuté. Comment permettre à des foyers modestes d’accéder à une alimentation qui peut coûter un peu plus cher ? Si le mode de consommation doit être revu pour permettre à chacun de consommer mieux, il est aussi d’autres mesures simples qui pourraient être mises en place. Parmi elles, la suppression de la TVA sur les produits bio, justifiée par les nombreuses aménités que l’agriculture biologique procure à l’ensemble de la société.

Cette proposition n’a pas été retenue dans le rapport de l’atelier.

 

Huitième constat : le cas de la luzerne récupéré par les lobbies de la chimie

La filière luzerne est en crise. Les surfaces de luzerne régressent. C’est préjudiciable pour l’agriculture champardennaise qui, avec cette culture, dispose d’un outil très puissant de protection de l’environnement, notamment des ressources en eau. La luzerne, cultivée traditionnellement pendant plusieurs années dans les rotations a pour intérêt agronomique sa capacité à fixer l’azote de l’air et donc à en enrichir le sol – diminuant le besoin de fertilisation azotée dans les cultures suivantes. Dans le cadre de la discussion portant sur la réduction des pesticides qui devra notamment passer par l’interdiction de certaines molécules, les représentants de l’agriculture intensive ont mis en avant que supprimer la molécule herbicide utilisée sur la luzerne reviendrait à condamner cette culture. Cette récupération du problème par les lobbies de l’agrochimie est scandaleuse. La culture de luzerne n’a nul besoin d’herbicide. Pour preuve elle est cultivée en agriculture biologique sans intervention spécifique pour maîtriser les adventices, car elle présente un autre intérêt agronomique qui est de concurrencer toutes les adventices. La filière luzerne est effectivement menacée dans la région, non pas par l’interdiction prochaine de molécules chimiques pour leur dangerosité, mais par les cultures à vocation énergétique qui sont plus profitables économiquement.

 

 

Un des groupes a pointé dans sa synthèse la nécessité d’effacer les lobbies pour proposer des mesures pertinentes, efficaces, dont le seul moteur serait le souci de concevoir les activités humaines de manière à ce qu’elles respectent l’environnement. C’est à ce prix que des avancées seront réalisées dans le domaine agricole également. Mais malheureusement ce Grenelle de l’environnement régional est passé à côté et les conclusions de son atelier sur les modes de production et de consommation durables s’en ressentent. La FRAB Champagne-Ardenne affiche sans ambiguïté sa déception et lance un appel au monde agricole pour que le rendez-vous que doivent constituer les assises nationales de l’agriculture soit le bon : un changement profond des modes de production agricoles est à enclencher.

 

 

Contact presse

Guillaume Delaunay

Tél. : 03.26.64.95.09

frab@biochampagneardenne.org

 

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