Champagne contre Nature

Jan 15, 2007

Le 15 Janvier est une date très attendue par les vignerons de Champagne qui souhaitent travailler dans le sens de la Nature. En effet, la Nature fonctionne selon des principes immuables. Il en est un bien connu des agronômes, mais réfuté par les penseurs de la fertilisation raisonnée. Quel est-il ?

Avez-vous déjà remarqué les deux principes de la Nature suivants:

– A l’automne, les feuilles des arbres tombent. La Nature plonge dans son sommeil.
– Au printemps, la Nature s’éveille. Elle renaît, les feuilles poussent.

Comment la Nature endormie peut-elle trouver l’énergie pour redémarrer ?

Certes, les températures remontent, mais ce n’est qu’un des éléments qui permet à cette magie de la Vie de s’opérer.

En fait, la Nature est prévoyante. A l’automne, elle transmet ses réserves d’énergie au sol: les feuilles tombent et les plantes annuelles meurent. Le sol, ne va pas s’endormir car un énorme travail l’attend. Ce travail est capital pour que la Nature trouve l’énergie et les nutriments dont elle aura besoin à son réveil.

Comment se fait ce travail vital pour la Nature ?

Au cours de l’année, les plantes captent l’energie du soleil et l’utilisent pour se constituer: feuilles, tissus ligneux etc…  On peut considérer que les plantes stockent cette énergie dans leurs tissus sous forme de polymères de surces (amidon par exemple). D’ailleurs, lorsqu’on brûle une buche de bois, on peut constater que à quel point cette énergie est concentrée.

Au commencement de l’automne, le sol change son mode de fonctionnement car son rôle est de conserver une fraction de l’energie que les plantes ont produit pendant l’année.  Pour que la Vie perdure, il ne faut pas que l’énergie captée pendant l’année écoulée se perde. Pour cela, il faut une forme de conservation stable dans le sol: l’humus. En Octobre-Novembre, certains micro-organismes vont se charger "d’humifier" la matière organique présente sur le sol. Toute cette énergie est patiemment transformée pour être conservée jusqu’au retour du printemps.

Au printemps, le changement des températures indique aux micro-organismes du sol que l’heure est venue de fournir la ressource "humus" à la Nature Vivante. Le processus de déstockage s’opère. C’est la phase de minéralisation. Les plantes reçoivent dans leur sève tout ce dont elles ont besoin pour redémarrer grâce aux formidables maillons de l’écosystème que constituent les champignons, levures, enzymes et autres micro-organismes. Ensuite, la photosynthèse prendra le relais pour capter l’énergie solaire et le cycle est bouclé. Certes, c’est une version simplifiée du fonctionnement de la Nature, mais elle permet de comprendre déjà bien des choses (notamment pourquoi il est préférable d’éviter le recours aux fongicides qui détruisent les champignons du sol)..

Qu’est ce que cela à voir avec la fertilisation raisonnée ?

 La fertilisation, à mon sens, a pour but de nourrir le sol afin que la vigne vienne y puiser ce dont elle a besoin au moment où elle en a besoin. Il faut donc réfléchir la fertilisation en apport de matière organique sous l’angle de l’humus et non sous l’angle NPK conventionnel.

Puisque la Nature sait transformer toute substance organique en humus, autant qu’elle le fasse pour nous! Pour cela, la solution la plus évidente, défendue par tous les agronomes de la planète est d’épandre les amendements organiques à l’automne. C’est ce qui est autorisé dans tous les vignobles… sauf .. sauf… en Champagne !! Et oui, la champagne n’a pas encore compris cette "subtilité de la Nature". Quoique, c’est un peu exagéré. Selon une de mes sources, seulement deux départements de la Champagne viticole seraient concernés: la Marne et l’Aisne. Dans l’aube, tout bon vigneron aurait le droit de faire un apport de matière organique… Une subitilité que seuls les champenois comprennent ! ;-))

Bref, tout ceci pour dire qu’ici, dans la Marne, il faut attendre le 15 Janvier pour avoir le droit d’épandre les amendements organiques.

C’est pour cela que depuis Lundi, nous profitons de la moindre éclaircie pour procéder à l’épandage de 800 kg/ha à 1000 kg/ha d’amendement (pour ceux qui aiment calculer en unité d’azote, ça fait entre 15 et 18). Certes, la période n’est pas très propice pour faire ce travail, mais l’important est de le faire le plus près possible du 15 Novembre, et le plus tard possible du début du printemps. Ainsi, la Nature a le maximum de temps pour stocker la matière organique sous sa forme stable: l’humus.

Compte tenu des dates légales, l’épandage de compost biodynamique fait-maison est impossible: il serait trop mûr si on devait attendre Janvier au lieu  de Novembre. Il faut donc acheter des amendements organiques du commerce partiellement compostés. L’inconvénient de ces composts, c’est qu’ils sont réalisés de manière accélérée et artificielle. Ils se rapporochent plus ou moins de ce que la Nature aurait fait. Pour que le compostage soit plus proche du savoir-faire de la Nature, les préparations biodynamiques sont indispensables.

Dans ce cas de figure, il faut utiliser le "Compost de  Bouse Maria-Tuhn" car il contient toutes clefs pour cela. En l’occurence, il contient:
– une grande variété de micro-organismes
– toutes les plantes régulatrices du compost
– la mémoire du chemin qu’a suivi la matière organique pour devenir de l’humus.

La dynamisation est indispensable car l’eau va mémoriser le chemin qu’a empruntée la matière organique. Et oui, l’eau a une mémoire de quelque heures. L’information captée sera transmise aux micro-organismes présents dans la vigne lors de l’épandage de l’eau dynamisée. Cela va orienter leur travail pour que l’humification de la matière organique soit parfaite. Ainsi, le sol va mieux fonctionner. Au printemps, une autre préparation biodynamique est utilisée pour que le déstockage de l’humus en matière nourcière se déroule parfaitement. La plante est alors nourrie de manière harmonieuse, sans heurt pour son équilibre.

La fertilisation classique en Champagne

Habituellement, les vignerons épandent les engrais en Mars ou Avril, ce qui a l’effet pervers de libérer de l’azote pendant la période végétative. Certes, c’est comme cela qu’on augmente les rendements de manière artificielle, mais c’est aussi  comme cela qu’on rend la vigne plus sensible aux maladies. En effet, la nutrition de la vigne est décalée par rapport à ses besoins et non en phase comme lorsqu’on épand la matière organique à l’automne. Sous-nutrie ou sur-nutrie, la vigne ne dispose pas en permanence des éléments dont elle a besoin en quantité suffisante et équilibrée… c’est sources de défauts de constitutions qui sont autant de failles que sauront exploiter les maladies et ravageurs. Je ne détaille pas d’avantage car ce serait trop long.

L’autre effet pervers de l’épandage d’engrais au printemps est qu’il favorise en priorité la levée des mauvaises herbes friantes d’azotes facilement disponible (liseron par exemple) et généralement de toutes les mauvaises herbes avant la vigne. Ceci induit un recours systèmatique au désherbage chimique (désherbant qu’on retrouve ensuite dans le raisin et les cours d’eau). Avec un épandage à l’automne, les advantices sont moins envahissantes et concurrentielles pour la vigne. Je ne détaille pas d’avantage non plus.

 Alors, à quand une vraie fertilisation raisonnée en Champagne ???

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