Réception INAO

Mai 16, 2009

Hier matin, nous avons eu le plaisir d’accueillir une trentaine de personnes de l’INAO sur notre domaine.

Le but était de parler de culture biologique lors d’une visite.
Le point de rendez-vous se trouvait sur le site de l’ancienne caserne d’Epernay, désafecté aujourd’hui et dont le terrain a été scindé entre le  Millésium et des promoteurs immobiliers qui y installent notamment des hotels. Ca a bien changé depuis l’époque où le 34ème Régiment du Génie y était stationné et maintenant. Les anciens du contingent ne reconnaitraient pas les lieux.

Bref, c’était l’occasion de voir Bertrand GAUTHEROT, président de l’association qui regroupe les vignerons bio et biodynamiques de la Champagne et Alain Réhaut très impliqué avec les ministères pour définir la charte des vinifications bio. Il regrette d’ailleurs que le ministère de la santé ne soit jamais associé aux débats et aux réunions qui portent sur tous les aspects de la bio…

Avec l’aide des personnes de l’INAO d’Epernay, la Champagne a reçu environ 200 personnes de l’INAO de toutes les régions de France, pas seulement affiliés à la filiaire vins. Les visiteurs étaient ventilés dans 4 bus pour des thèmes différents (environnement, paysages, cuture biologique…).

Nous étions donc 3 vignerons en biodynamie à accompagner ces personnes de l’INAO vers un domaine certifié en culture biologique: le nôtre. Le but était de principalement de parler de vin et de vinification car la charte des “vinifications bio” est en cours de rédaction.

Alors, nous sommes passés en bus par Damery, Fleury-la-Rivière, Belval-sous-Chatillon pour aller sur une de nos parcelles en bordure de route. Les orages survenus 36 heures avant la visite ont rendu impossible la visite d’autres parcelles. Et en parlant d’orage, les personnels de l’INAO ont pu constater avec étonnement à quel point le désherbage chimique ne permet pas de maintenir le terroir en place. En effet, sur le trajet aller, ils ont pu constater à que point le sol est absent des parcelles désherbées. Ils ont pu voir aussi les sarments, écorces et petites pierres retenues par quelques herbes en bordure de chaussée… une vraie catastrophe.

D’où l’indignation: “Comment prétendre produire des vins de terroir dans ces conditions ?”
Et le trait d’humour qui va avec: la champagne envisage d’étendre son vignoble autour du Havre et en d’autres endroit de Seine-Maritime car le terroir champenois y est bien présent :-))
On n’a pas fini d’entendre parler de l’extension de l’AOC Champagne ! :-)))
En effet, on ne sait pas bien où le terroir de champagne se trouve.
Fin de la parenthèse humour.

Bref, arrivés sur la parcelle, nous avons pu aborder plusieurs sujets:
– rôle de la biodiversité de la flore, pour le sol comme pour les insectes
– importance de la biodiversité dans les sols et du respect des horizons
– la résistance que l’on peut obtenir sur vigne lorsque tout cela fonctionne bien
– des expérimentations en cours
– la prise en compte de l’écosystème dans sa globalité
– l’incidence sur la structuration des raisins et leur composition, ainsi que leur capacité à résister au botrytis
– l’incidence sur les vins (notamment le fait que les vins bio et bio-dynamiques contienent naturellement 1 à 1,5 g/l d’acidité totale de plus par rapport aux raisins conventionnels)… donc les vinifications font appels à moins d’intrant et de technologie.

Après ces 3/4 d’heure passés à la vigne, nous sommes allés au chai.
Je n’ai même pas pensé à servir un Champagne en dégustation.
Comme on a eu du retard au départ, je n’ai fait déguster qu’un vin clair.
Un vin blanc.

Un vin avec une bonne acidité, net et sans déviation organoleptique (comme d’habitude).
Après dégustation, nous avons pu aborder la manière dont ce vin a été vinifié.
En fait, c’est très simple: on suit les mêmes logiques que pour la conduite des vignes.
On se base sur les cycles de vie du vin, en corélation avec les cycles lunaires et planétaires.
Le vin dégusté a fait sa malo naturelle (comme ça a toujours été le cas sur le domaine depuis des générations)
Les fermentations alcooliques ont suivi les mêmes principes, donc pas de levurage, pas de régulation des températures, et les moûts ont été particulièrement soignés: pas d’enzymage, pas de décoloration, débourbage statique minimal. Le vin est toujours sur lie. Aucun soutirage ni sulfitage.
Bref, que du jus de raisins bio fermenté par les levures du terroir… et c’est très bon comme ça.

Il y a  quelques jours, lorsque j’ai accueilli une vingtaine de chefs de culture de chez Bollinger, j’ai fait déguster un vin rouge élaboré avec la même approche. Je pense que ça leur a plu 🙂

Morale de l’histoire: la vigne, lorsqu’elle est correctement conduite donne des raisins capables de donner des vins qui n’ont pas besoin d’intrant oenologique. La nature est vraiment bien faite. Il suffit de lui permettre de faire son travail !
La clef du terroir est là, non ?

Au retour, Cathy nous indique le chemin: Binson-Orquigny, Villers-sous-Chatillon, Venteuil, Damery, Cumières, Epernay.
Encore une fois, on a vu ce qu’il était anormal de voir: de la terre partout, des sarments, des pierres pour la partie qui s’est arrêtée avant la Marne… Certes, le reste du terroir est dans la Marne… mais ce n’est pas le plus grave. Avec ça, il y a les engrais fraîchement épandus, les désherbants, les premiers traiements phyto… Il est beau le respect de l’environnement, non ? Je me demande ce que les gens du CIVC ont pu expliquer au groupe qui a pris le bus sur ce le sujet “environnement”… la vérité a-t-elle été dite ou omise ? Je ne le saurai jamais, je n’y était pas.

A un moment, le car s’arrête sur la chaussée. Le chauffeur, étonné, me demande:
“C’est par là ?
– Oui, ca ne se voit pas, mais la route est goudronnée, ce n’est pas un chemin de terre.”
On ne l’a pas fait exprès, mais la Champagne, c’est aussi ça. On n’a rien prémédité et on n’a pas menti.

Ce fut l’occasion de rappeler qu’un sol vivant et respecté strucure ses horizons pour permettre les échanges d’eau et d’air… et dans ce cas, il absorbe un orage de 100 mm sans souci. Un soir de 2005, il est tombé 110 mm de pluie, mes sols n’ont pas bougé… combien de temps encore faudra-t-il tolérer le désherbage chimique dans les fortes pentes ??

Quelques km plus loin, au passage du bus, un hélicoptère décole avec à son bord quelques pesticides… no comment!

Juste avant, nous avons vu 3 personnes à pied avec les pompes à dos et les caches pour protéger les vignes de projection de désherbant, dans une vigne sans un brin d’herbe… Encore no comment ! :-))
Oui, ça peut faire sourire celu qui ne connait le monde viticole, je le conçois et encore, je ne dis pas tout  🙂

Alors, je le crois, la Champagne peut encore progresser en matière de protection de l’environnement…

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